Nicolas Demorand homme de médias ( Libération, puis France Inter) , grand journaliste des matinales à reconnu très récemment qu’il était bipolaire (comme moi) . Il a fait quelques interview à l’occasion de la sortie de son livre qui raconte tout ça. C’est un petit livre de 120 pages, ça se lit en 2 heures, ce que j’ai fait.
Il décrit ses 20 ans d’errement médical avant d’être diagnostiqué. Il s’est produit la même chose pour moi, on ne m’a dit le mot qu’à la fin 2011 alors que ça faisait plus de 20 ans que j’avais des symptômes divers et variés. Et encore sans le suicide d’un ami bipolaire, un autre ami ne m’aurait pas dit “toi t’es pareil”.
Comme Demorand et comme de nombreux bipolaires j’ai été traité pour une dépression qui n’en était pas une et avec des traitements anti-dépresseurs qui amplifient les symptômes maniaques où on peut faire n’importe quoi. Ce qui s’est bien sûr produit dans mon cas (avec un épisode intense à l’été 2002 où j’étais à 2 doigts de faire vraiment n’importe quoi et une peste pour mes amis de l’époque), et dans son cas. Ces cachets m’ont fait vraiment faire n’importe quoi pendant quelques années, au point que j’ai un jour décidé qu’ils étaient en cause et les réduire volontairement : j’aurai du lire la notice.
Il explique qu’il a vu plusieurs médecins généralistes qui ne savaient faire qu’un chose : prescrire des médicaments antidépresseurs et autres. Ils ne sont que très rarement formés aux maladies psychiques qui sont de vraies maladies : c’est handicapant. Dans son cas ils ont reconduit des ordonnances sans se poser de question alors qu’il était clairement atteint d’un trouble psychique. Moi une semaine jour pour jour après mon suicide raté de peu, je voyais un médecin qui m’a illico presto prescrit des anti-depresseurs. Si elle m’avait demandé de raconter ma journée avant le geste, elle aurait compris quelque chose : comme une personne agitée dans le journée et qui fait des projets pour le week-end fini à l’hôpital dans la nuit après avoir ingéré des barbituriques ?
Il explique par exemple sa difficulté à travailler, sa peur de craquer à certaines instants, ou quand sa cervelle part dans tous les sens, qu’il déborde d’énergie en phase maniaque ou hypomaniaque .. et qu’il se prend des remarques qui lui demandent d’être tout le temps comme ça. Alors que dans ces phases, le malade est tout aussi en danger. Cette maladie fait que “être heureux est dangereux” .. ce sont des moments où le malade peut être mégalomane, partir dans des comportements à risque (alcool , drogue, sexe à risque, délinquance que sais-je ? ça je n’ai pas testé) avec de l’irritabilité, un sentiment de puissance et de supériorité et d’autres symptômes qui font qu’on perd le contact avec des amis, des proches, son travail facilement. Lui ne s’est pas désociabilisé , il a de la chance. Ce n’est pas le cas de tous les autres malades.
Lisez le livre et vous aller voir ce que c’est que de vivre avec cette maladie qu’on récupère à cause de gènes (2 ou 3) hérités et on se pose la question aussi sur des événements de la vie, sur l’environnement.
Demorand est un cas spécial : il parle à des millions de gens le matin (quand je ne suis pas réveillé) et travaille avec une équipe qu’il gère et doit en plus se gérer. Et il l’explique, on est rarement tranquille on a une cervelle qui s’agite et fonctionne trop , parfois les idées fusent : on commence des trucs qu’on ne finit pas et on peut avoir des tas de projets en même temps… avec une énergie étonnante et une euphorie qui peut tromper.
Devant tout ça on se réfugie parfois dans le silence et la dissimulation, il l’explique dans le livre : On apprend vite à faire semblant d’aller bien alors qu’au fond de nous on se demande comment on va se tuer ou envoyer chier la personne en face de nous . De tout ça il en découle une honte , honte de ne pas être comme les autres, de moment de solitude où on se demande vraiment ce qu’on est.
Il découle de tout ça et d’autres chose une capacité que Demorand a et que j’ai , c’est d’être vigilant aux autres et de déceler des troubles avec une certaine facilité. Il explique qu’il a aussi fait des dépenses inutiles et acheté des objets qui ne lui servent pas et s’entassent chez lui : j’ai 5 appareils photos par exemple.
Il explique aussi le soulagement quand on nous explique qu’on est bipolaire, qu’on met un mot sur ces troubles a géométrie très variables , qui ne sont pas les mêmes chez les malades: certains font plus de phases dépressives que d’autres, d’autres font plus de phases maniaques avec parfois de la violence ou des phases mixtes a répétition (comme moi).
Dans ces phases , on on ne peut pas prévoir à 2 heures ce qu’on sera, on peut changer d’humeur en quelques minutes et passer d’un extrême à l’autre. Elles sont plus dangereuses que les autres.
Il raconte ses phases dépressives où sortir la poubelle est épuisant, prendre une douche aussi et où on évite tout contact social et on se réfugie facilement dans son lit ou son canapé sans énergie ou volonté. Phases qui chez certains durent des semaines et peuvent être très graves.
Demorant décrit tout ça et son errance médicale, ses séjours à l’hôpital et explique aussi que ça n’empêche pas de vivre des histoires sentimentales.
Je conseille a tout le monde de lire ce livre, c’est un récit de ce que vivent des centaines de milliers d’adultes , des millions en Europe… avec des intensités variables et une constance : de la souffrance permanente ou presque, rare sont les moments où on va vraiment bien, juste bien.

J’avais un ami bipolaire, dont hélas je me suis définitivement éloigné, suite à une crise maniaque où j’ai cru qu’il était devenu schyzophrène. Trop compliqué à suivre, malgré la conscience que je peux avoir de sa maladie. J’ai pris peur. C’était terrifiant.
Effectivement, moi dans des phases maniaques j’ai fait des trucs en tout genre avec parfois de la violence contre des objets ou des gens . Ca ne se produit plus par ce que j’ai appris à gérer la maladie et que j’ai le souvenir marqué des conséquences de ces gestes (GAV, urgences..). Après ton ami ne devait sans doute pas savoir gérer sa maladie , quand on vit ces phases en roue libre on a une impression de puissance, de pouvoir qui donne de la mégalomanie et autres défauts comme vouloir avoir raison contre tout le monde ou couper la parole sans cesse. L’impact sur l’entourage est violent. A cause de phases maniaques non controlées j’ai envoyé un ex en clinique psy pour burn out, je me suis fâché avec des amis (a 3 reprises , avec des amis différents) Je n’en suis vraiment pas fier.
J’ai commencé à regarder une série (Knokke off : rien de transcendant mais disons que c’est pas mal quand on cherche un truc léger mais avec une intrigue type “policière” et un peu de suspens).
Un des cinq ou six personnages principes a des troubles bipolaires. Ca t’intéressera peut-être et moi, ce qui m’intéresserait est de savoir si c’est un peu conforme à la réalité de cette maladie (généralement, les séries qui évoquent ce genre de sujets sont un peu ratées, comme HPI, qui passe un peu à côté de la réalité pour quelqu’un qui connait un peu la maladie : on a un cas dans la famille proche, un vrai cas, avec placement dans des écoles spécialisées et tout ça).
les séries et films ne peuvent pas décrire complètement un cas psy qui est complexe avec des symptômes variés , et ça passe donc a coté de la réalité. Faudra que je regarde cette série sur Netflix un jour où il fait moche ^^^